Text & Translation
Je ne réclamais rien de toi
French source:
Rabindranath Tagore
je n’importunais pas de mon nom ton oreille.
Lorsque tu m’as laissée, je suis restée silencieuse.
J’étais seule près de la source,
où l’arbre porte une ombre oblique,
et les femmes étaient rentrées chez elles
après avoir rempli jusqu’au bord leurs brunes cruches de terre.
Elles m’appelaient et criaient :
« Viens avec nous ; le matin passe ; il est bientôt midi. »
Mais languissamment je m’attardais encore,
perdue parmi de vagues songeries.
Je n’entendis point ton pas lorsque tu vins.
Tes yeux étaient tristes lorsqu’ils reposèrent sur moi ;
ta voix était lasse quand tu me dis tout bas :
« Ah ! Je suis un voyageur altéré. »
Je secouai mes rêvasseries
et versai l’eau de ma cruche
dans tes paumes jointes.
Le feuillage au-dessus de nous frémissait ;
le coucou chantait dans l’ombre
et le parfum de la fleur du babla
nous parvenait du tournant de la route.
Je suis restée muette, pleine de honte,
quand tu m’as demandé mon nom.
Qu’avais-je fait, en vérité,
pour que de moi tu te souviennes ?
Mais que j’aie pu calmer ta soif avec cette eau
que je t’avais donnée, cette pensée presse mon cœur
dans un enveloppement suave.
L’heure matinale est passée,
l’oiseau pousse son cri monotone,
le feuillage du neem frémit au-dessus de moi,
qui reste immobile et médite.
- based on a text by Rabindranath Tagore (1861 - 1941)
- translated by André Gide (1869 - 1951)
I asked nothing from thee
translation ©
Rabindranath Tagore
I uttered not my name to thine ear.
When thou took'st thy leave I stood silent.
I was alone by the well
where the shadow of the tree fell aslant,
and the women had gone home
with their brown earthen pitchers full to the brim.
They called me and shouted,
'Come with us, the morning is wearing on to noon.'
But I languidly lingered awhile
lost in the midst of vague musings.
I heard not thy steps as thou camest.
Thine eyes were sad when they fell on me;
thy voice was tired as thou spokest low -
'Ah, I am a thirsty traveller.'
I started up from my day-dreams
and poured water from my jar
on thy joined palms.
The leaves rustled overhead;
the cuckoo sang from the unseen dark,
and perfume of babla flowers
came from the bend of the road.
I stood speecess with shame
when my name thou didst ask.
Indeed, what had I done for thee
to keep me in remembrance?
But the memory that I could give water to thee
to allay thy thirst will cling to my heart
and enfold it in sweetness.
The morning hour is late,
the bird sings in weary notes,
neem leaves rustle overhead
and I sit and think and think.
- based on a text in Bengali from গীতাঞ্জলি (Gitanjali).
Je ne réclamais rien de toi
French source:
Rabindranath Tagore
I asked nothing from thee
source:
Rabindranath Tagore
Je ne réclamais rien de toi ;
I asked nothing from thee;
je n’importunais pas de mon nom ton oreille.
I uttered not my name to thine ear.
Lorsque tu m’as laissée, je suis restée silencieuse.
When thou took'st thy leave I stood silent.
J’étais seule près de la source,
I was alone by the well
où l’arbre porte une ombre oblique,
where the shadow of the tree fell aslant,
et les femmes étaient rentrées chez elles
and the women had gone home
après avoir rempli jusqu’au bord leurs brunes cruches de terre.
with their brown earthen pitchers full to the brim.
Elles m’appelaient et criaient :
They called me and shouted,
« Viens avec nous ; le matin passe ; il est bientôt midi. »
'Come with us, the morning is wearing on to noon.'
Mais languissamment je m’attardais encore,
But I languidly lingered awhile
perdue parmi de vagues songeries.
lost in the midst of vague musings.
Je n’entendis point ton pas lorsque tu vins.
I heard not thy steps as thou camest.
Tes yeux étaient tristes lorsqu’ils reposèrent sur moi ;
Thine eyes were sad when they fell on me;
ta voix était lasse quand tu me dis tout bas :
thy voice was tired as thou spokest low -
« Ah ! Je suis un voyageur altéré. »
'Ah, I am a thirsty traveller.'
Je secouai mes rêvasseries
I started up from my day-dreams
et versai l’eau de ma cruche
and poured water from my jar
dans tes paumes jointes.
on thy joined palms.
Le feuillage au-dessus de nous frémissait ;
The leaves rustled overhead;
le coucou chantait dans l’ombre
the cuckoo sang from the unseen dark,
et le parfum de la fleur du babla
and perfume of babla flowers
nous parvenait du tournant de la route.
came from the bend of the road.
Je suis restée muette, pleine de honte,
I stood speecess with shame
quand tu m’as demandé mon nom.
when my name thou didst ask.
Qu’avais-je fait, en vérité,
Indeed, what had I done for thee
pour que de moi tu te souviennes ?
to keep me in remembrance?
Mais que j’aie pu calmer ta soif avec cette eau
But the memory that I could give water to thee
que je t’avais donnée, cette pensée presse mon cœur
to allay thy thirst will cling to my heart
dans un enveloppement suave.
and enfold it in sweetness.
L’heure matinale est passée,
The morning hour is late,
l’oiseau pousse son cri monotone,
the bird sings in weary notes,
le feuillage du neem frémit au-dessus de moi,
neem leaves rustle overhead
qui reste immobile et médite.
and I sit and think and think.
- based on a text by Rabindranath Tagore (1861 - 1941)
- based on a text in Bengali from গীতাঞ্জলি (Gitanjali).
- translated by André Gide (1869 - 1951)