Demain fera un an
French source:
Francis Jammes
les fleurs dont j’ai parlé, de la prairie mouillée.
C’est aujourd’hui le plus beau jour des jours de Pâques.
Je me suis enfoncé dans l’azur des campagnes,
à travers bois, à travers prés, à travers champs.
Comment, mon cœur, n’es-tu pas mort depuis un an?
Mon cœur, je t’ai donné encore ce calvaire
de revoir ce village où j’avais tant souffert,
ces roses qui saignaient devant le presbytère,
ces lilas qui me tuent dans les tristes parterres.
Je me suis souvenu de ma détresse ancienne,
et je ne sais comment je ne suis pas tombé
sur l’ocre du sentier, le front dans la poussière.
Plus rien. Je n’ai plus rien, plus rien qui me soutienne.
Plus rien. Pourquoi fait-il si beau et pourquoi suis-je né?
J’aurais voulu poser sur vos calmes genoux
la fatigue qui rompt mon âme qui se couche
ainsi qu’une pauvresse au fossé de la route.
Dormir. Pouvoir dormir. Dormir à tout jamais
sous les averses bleues, sous les tonnerres frais.
Ne plus sentir. Ne plus savoir votre existence.
Ne plus voir cet azur engloutir ces coteaux
dans ce vertige bleu qui mêle l’air à l’eau,
ni ce vide où je cherche en vain votre présence.
Il me semble sentir pleurer au fond de moi,
d’un lourd sanglot muet, quelqu’un qui n’est pas là.
J’écris. Et la campagne est sonore de joie.
«Elle était descendue au bas de la prairie,
et comme la prairie était toute fleurie.»
Plus rien. Je n’ai plus rien, plus rien qui me soutienne.
It will be a year tomorrow
English translation ©
Richard Stokes
those flowers I mentioned from the damp meadow.
Today is the most beautiful of Easter days.
I plunged deep into the blue countryside,
across woods, across meadows, across fields.
How is it, O heart, you did not die a year ago?
O heart, once more I’ve caused you this Calvary
of seeing again this village where I suffered so,
the roses which bled before the vicarage,
the lilacs that kill me in their melancholy beds.
I recalled my old anguish
and do not know why I did not fall
headlong in the dust on the ochre path.
Nothing more. I have nothing more, nothing to sustain me.
Nothing more. Why is the weather so fair and why was I born?
I would have wished to place on your quiet lap
the fatigue which breaks my soul as it lies
like a poor woman by the roadside ditch.
To sleep. To be able to sleep. To sleep for ever more
beneath blue showers, beneath fresh thunder.
To no longer feel. Be no longer aware that you exist.
To no longer see this blue sky swallow up these hills
in this reeling blue which mingles air and water,
nor this void where I search for you in vain.
I seem to feel a weeping within me,
a heavy, silent sobbing, someone who is not there.
I write. And the countryside is loud with joy.
‘She had reached the low-lying meadow,
and like the meadow was all a-blossom.’
Nothing more. I have nothing more, nothing to sustain me.
Demain fera un an
French source:
Francis Jammes
It will be a year tomorrow
English source:
Richard Stokes
Demain fera un an qu’à Audaux je cueillais
It will be a year tomorrow since at Audaux I picked
les fleurs dont j’ai parlé, de la prairie mouillée.
those flowers I mentioned from the damp meadow.
C’est aujourd’hui le plus beau jour des jours de Pâques.
Today is the most beautiful of Easter days.
Je me suis enfoncé dans l’azur des campagnes,
I plunged deep into the blue countryside,
à travers bois, à travers prés, à travers champs.
across woods, across meadows, across fields.
Comment, mon cœur, n’es-tu pas mort depuis un an?
How is it, O heart, you did not die a year ago?
Mon cœur, je t’ai donné encore ce calvaire
O heart, once more I’ve caused you this Calvary
de revoir ce village où j’avais tant souffert,
of seeing again this village where I suffered so,
ces roses qui saignaient devant le presbytère,
the roses which bled before the vicarage,
ces lilas qui me tuent dans les tristes parterres.
the lilacs that kill me in their melancholy beds.
Je me suis souvenu de ma détresse ancienne,
I recalled my old anguish
et je ne sais comment je ne suis pas tombé
and do not know why I did not fall
sur l’ocre du sentier, le front dans la poussière.
headlong in the dust on the ochre path.
Plus rien. Je n’ai plus rien, plus rien qui me soutienne.
Nothing more. I have nothing more, nothing to sustain me.
Plus rien. Pourquoi fait-il si beau et pourquoi suis-je né?
Nothing more. Why is the weather so fair and why was I born?
J’aurais voulu poser sur vos calmes genoux
I would have wished to place on your quiet lap
la fatigue qui rompt mon âme qui se couche
the fatigue which breaks my soul as it lies
ainsi qu’une pauvresse au fossé de la route.
like a poor woman by the roadside ditch.
Dormir. Pouvoir dormir. Dormir à tout jamais
To sleep. To be able to sleep. To sleep for ever more
sous les averses bleues, sous les tonnerres frais.
beneath blue showers, beneath fresh thunder.
Ne plus sentir. Ne plus savoir votre existence.
To no longer feel. Be no longer aware that you exist.
Ne plus voir cet azur engloutir ces coteaux
To no longer see this blue sky swallow up these hills
dans ce vertige bleu qui mêle l’air à l’eau,
in this reeling blue which mingles air and water,
ni ce vide où je cherche en vain votre présence.
nor this void where I search for you in vain.
Il me semble sentir pleurer au fond de moi,
I seem to feel a weeping within me,
d’un lourd sanglot muet, quelqu’un qui n’est pas là.
a heavy, silent sobbing, someone who is not there.
J’écris. Et la campagne est sonore de joie.
I write. And the countryside is loud with joy.
«Elle était descendue au bas de la prairie,
‘She had reached the low-lying meadow,
et comme la prairie était toute fleurie.»
and like the meadow was all a-blossom.’
Plus rien. Je n’ai plus rien, plus rien qui me soutienne.
Nothing more. I have nothing more, nothing to sustain me.
Composer
Lili Boulanger
Lili Boulanger (1893-1918) is often described as one of the most gifted composers of the twentieth century, however, her promise was cut short by early death. She achieved a degree of posthumous renown which is exceptional among women…